Rémy HERRERA, 25.06.2018
Dans le conflit à la SNCF, l’un des arguments du Président Macron est que la « réforme » qu’il a imposé aux cheminots – la loi portant cette « réforme » ayant déjà été votée par le Parlement – n’entraînera pas de privatisation du secteur ferroviaire. Mais, au moment où les organisations de droite (UNSA) et réformiste (CFDT) rompent l’unité syndicale et que les syndicats les plus combatifs (CGT, SUD-Rail) annoncent qu’ils poursuivront la grève durant l’été (y compris lors des départs des vacanciers), le ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire (ex-ministre de Nicolas Sarkozy) présentait son projet de « loi Pacte ». Au cœur de ce projet, dissimulé sous un dispositif prétendument destiné à aider les petites et moyennes entreprises et à désendetter l’État, figure un programme gouvernemental de privatisations.
Ce texte prévoit de prochaines cessions de participations de l’État à des propriétaires privés chez ADP (société gérant les aéroports de Paris-Charles-de-Gaulle et Orly, numéro 1 en Europe pour le fret et le courrier), ENGIE (groupe énergétique, anciennement GDF-Suez, 3e groupe mondial dans l’énergie non pétrolière) et la Française des jeux (loteries et paris sportifs). Le désengagement de l’État concernerait aussi Air France (où les syndicats restent mobilisés dans un conflit social non résolu), Orange (télécommunications) et l’automobile (Peugeot, Renault). Tandis que la dose maximale d’« opium du peuple » est injectée par les médias et leurs légions mercenaires de commentateurs footballistiques, jusqu’où les néolibéraux parviendront-ils donc à faire reculer l’État ?
La contre-attaque des travailleurs ne s’est pas fait attendre. Le 14 juin, près de 150 sites étaient occupés par les électriciens et gaziers. On peut aimer le football, mais plus encore la lutte. Dans maintes agences où ils étaient venus en force pour obtenir des explications de leur direction à propos de la privatisation de l’énergie, les employés ont vu leurs chefs baisser la tête sans dire un mot, se barricader dans leurs bureaux ou s’enfuir en courant ! Le 21 juin, plus de 220 sites étaient occupés par des syndicalistes. Ici ou là, au beau milieu des halls d’entrée, des piscines gonflables étaient installées et, en maillots de bain, des grévistes faisaient trempette en attendant que leurs enfants soient invités à faire de même durant le weekend ! On jouait bien au pingpong dans les usines occupées des grèves du Front populaire en 1936 !
Pendant ce temps, les majordomes d’Emmanuel Macron annonçaient que le Président souhaite se faire construire – aux frais de la République – une nouvelle piscine (hors-sol) à Brégançon, lieu de villégiature mis à sa disposition sur la côte d’Azur. Et que le couple présidentiel a décidé de faire renouveler la vaisselle de l’Elysée (pour 500 000 euros) ! Le même jour, une vidéo circulait sur Internet montrant le Président déclarer qu’« un pognon de dingue » est dépensé pour les minima sociaux. Doit-on comprendre que le prochain chantier de démolition sera de réduire les budgets publics de lutte contre la pauvreté (revenus et prestations sociales versés aux ménages pauvres, minimum vieillesse, allocations logement…) ?
Ça tomberait bien. Un récent rapport officiel indique que le nombre d’enfants pauvres explose : près de 20 % des enfants vivent aujourd’hui sous le seuil de pauvreté en France. Ils sont surtout issus de familles monoparentales et/ou au chômage. Le pouvoir affirme que le chômage baisse. En réalité, les contraintes d’enregistrement imposées aux chômeurs se sont tellement durcies qu’elles permettent de sortir des statistiques beaucoup de sans emploi. Quelle conséquence en tire le gouvernement ? Licencier 4 000 employés de Pôle Emploi, l’organisme public chargé d’aider les chômeurs à retrouver un emploi !
Ils rejoindront donc les milliers de licenciés du groupe Carrefour, qui apprenaient, le 15 juin, que l’assemblée des actionnaires de cette entreprise de grande distribution (numéro 3 mondial, derrière Walmart) avait attribué à son PDG une prime de départ de 13 millions d’euros pour sa gestion (2 500 suppressions d’emplois annoncés) et une retraite annuelle de plus d’un demi-million d’euros. Jusqu’à quand ces dirigeants prédateurs et cyniques, appuyés par le gouvernement, parviendront-ils à faire fonctionner leur système de destruction et de pillage ?
Le 21 juin, la Fédération CGT Mines-Énergie revendiquait la coupure d’alimentation en gaz du Palais de l’Élysée, placé « en précarité énergétique », comme des millions de foyers français. Quelques jours plus tôt, près de Toulouse, le Premier ministre Édouard Philippe était contraint de faire un discours dans l’obscurité et sans micro à cause d’une coupure d’électricité organisée par la CGT.